C’est à l’Université Mohammed VI Polytechnique, à Rabat, que se tiennent les Assises Nationales de l’Intelligence Artificielle, organisées par le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration. Lors de l’ouverture de cet événement de grande envergure, la ministre Amal El Fallah Seghrouchni en charge du secteur a livré une vision ambitieuse et structurée du rôle stratégique que doit désormais jouer l’intelligence artificielle dans la construction d’un Maroc moderne, souverain et socialement équitable.
Dès les premiers instants de son allocution, Madame Amal El Fallah Seghrouchni a souligné que le lancement de la stratégie nationale « Maroc numérique 2030 » avait marqué un tournant important pour le Royaume, en définissant pour la première fois un cadre intégré de transition numérique, fruit d’une approche participative impliquant le public, le privé, la société civile et les territoires. Toutefois, dans un monde où l’intelligence artificielle redéfinit les structures économiques, sociales et administratives, cette stratégie doit évoluer pour intégrer pleinement cette nouvelle réalité technologique.
Selon elle, l’intelligence artificielle ne peut plus être considérée comme un simple levier technique. Elle devient le cœur des politiques publiques, un outil de transformation institutionnelle profonde et un facteur déterminant de la relation entre l’État et ses citoyens. Elle a insisté sur le fait que l’IA n’était plus une technologie de demain, mais une réalité déjà à l’œuvre, qui façonne nos systèmes d’éducation, de santé, de protection sociale, de gouvernance territoriale et de justice. Elle a appelé à une prise de conscience collective et institutionnelle, estimant que l’intégration de l’intelligence artificielle dans la stratégie nationale n’est pas un choix mais un impératif de souveraineté.
Pour la ministre, cette technologie doit être mise au service du progrès social. L’intelligence artificielle offre une opportunité unique d’améliorer la qualité des services publics, notamment dans les zones reculées, de soutenir les startups marocaines qui conçoivent des solutions intelligentes adaptées aux besoins locaux, de renforcer les capacités numériques des petites et moyennes entreprises, et d’accélérer les efforts de formation dans les métiers du numérique, notamment à travers des écoles de programmation et des incubateurs d’innovation. Elle a également évoqué l’organisation de la Coupe du monde 2030 comme une occasion stratégique d’expérimenter l’IA dans des domaines sensibles tels que la mobilité, la sécurité, la santé ou encore le tourisme intelligent.
Mais cette révolution numérique, a-t-elle rappelé, n’est pas exempte de risques. L’IA n’est pas une technologie neutre. Elle peut amplifier les inégalités, introduire des biais algorithmiques dans les services publics ou déplacer le centre de gravité de la décision politique vers des couches invisibles et non responsables. À ce titre, la ministre a mis en garde contre une délégation excessive de la prise de décision à des algorithmes, appelant à un renforcement de la transparence, à la mise en place de mécanismes de responsabilisation et à une vigilance éthique de chaque instant.
Face à ces enjeux, le ministère prépare actuellement un projet de loi sur la numérisation, en concertation avec les institutions nationales de confiance numérique, notamment la CNDP, la DGSI, la DGSSN et l’ADD. Ce texte définira les règles d’intégration de l’intelligence artificielle dans les services publics, en garantissant aux citoyens le droit de comprendre les décisions algorithmiques, en instaurant des principes de transparence dans les modèles décisionnels, et en inscrivant l’éthique, la justice et la non-discrimination au cœur de l’action publique numérique.
La ministre a affirmé que cette future loi ne serait pas un simple texte réglementaire, mais bien un nouveau pacte social numérique, redéfinissant les rapports entre la technologie, les institutions et les citoyens. Elle a par ailleurs insisté sur la dimension africaine de la stratégie nationale, rappelant que le Maroc, fidèle à sa vocation continentale, œuvre activement à l’élaboration de la stratégie africaine de l’IA au sein de l’Union africaine, tout en défendant une approche enracinée dans les valeurs culturelles du continent. Le Royaume se veut ainsi un acteur de dialogue, de coopération Sud-Sud et de renforcement des capacités institutionnelles des pays frères, dans un esprit d’égalité et de confiance mutuelle.