Recettes fiscales au Maroc en 2025 : Les multiples raisons d’une hausse spectaculaire

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Le Maroc a enregistré une progression spectaculaire de ses recettes fiscales durant les cinq premiers mois de l’année 2025. Avec 144,25 milliards de dirhams collectés à fin mai, soit +16,7 % par rapport à la même période en 2024, cette performance alimente un débat crucial : cette hausse est-elle le fruit d’une meilleure vigilance fiscale, d’un élargissement des bases grâce à la croissance et aux investissements, ou d’une inclusion financière plus poussée ? À l’analyse, il s’agit d’une conjonction de plusieurs facteurs.

Le premier moteur, incontestablement, tient à l’efficacité accrue de l’administration fiscale. L’impôt sur les sociétés (IS) illustre parfaitement cette dynamique, avec une hausse de 34,5 % à fin mai, en grande partie grâce à une explosion des recouvrements spontanés (+11,1 MMDH) et à une amélioration des régularisations. L’impôt sur le revenu (IR), en hausse de 27,6 %, a lui aussi bénéficié du succès d’une opération de régularisation fiscale volontaire menée début 2025, rapportant à elle seule 3,8 MMDH.

Ces résultats traduisent une intensification du contrôle fiscal, tant en amont (par des dispositifs incitatifs et un meilleur ciblage) qu’en aval (par des révisions renforcées). L’augmentation des remboursements (TVA et IS) montre également un effort de l’administration en matière de transparence et d’apurement, renforçant la confiance des contribuables.

Une économie plus dynamique et mieux structurée

En parallèle, la croissance économique modérée mais stable du pays, estimée entre 3,5 % et 3,9 % en 2025, a contribué à élargir l’assiette fiscale. Cette croissance, portée par le secteur agricole, les investissements publics (infrastructures, transition énergétique, préparation de la CAN 2025), et un regain de consommation intérieure, s’est répercutée directement sur les recettes de la TVA (+4,4 %) et des taxes intérieures de consommation (+13,6 %).

L’impôt sur les salaires, en hausse de 738 millions de dirhams, reflète quant à lui une légère reprise de l’emploi formel, un autre indicateur d’élargissement de l’assiette fiscale. Le marché de l’immobilier, resté actif, a également dopé les droits d’enregistrement (+7,3 %).

Une inclusion financière progressive, encore en devenir

La lutte contre l’économie informelle et la promotion de l’inclusion financière figurent parmi les chantiers de fond du ministère des Finances. En 2024, une opération de régularisation des avoirs liquides a été lancée, et si elle n’a pas encore transformé profondément les comportements, elle ouvre une voie nouvelle vers une traçabilité plus large des flux financiers.

La digitalisation de l’administration fiscale, la généralisation des déclarations en ligne, ainsi que la promotion des paiements électroniques, participent également à cette dynamique. Toutefois, la part encore élevée du cash dans les échanges économiques (estimée à 30 % du PIB selon plusieurs sources) continue de limiter l’impact immédiat de ces mesures.

Un effet cumulé des réformes fiscales

La réforme fiscale engagée depuis plusieurs années joue aussi un rôle structurant. L’élargissement de la TVA, la simplification de l’IR, l’ajustement du barème de l’IS et le renforcement des obligations déclaratives sont autant de leviers qui ont permis d’améliorer la conformité fiscale et de réduire les niches injustifiées. Résultat : une progression constante des recettes depuis 2015, avec plus de 100 MMDH supplémentaires en cinq ans.

Une performance multidimensionnelle

L’excellente santé des recettes fiscales marocaines ne peut être attribuée à un seul facteur. Elle résulte de la synergie entre rigueur administrative, réforme structurelle et dynamique économique. Si la vigilance fiscale reste le moteur principal à court terme, l’effet des réformes et l’élargissement progressif de l’assiette par la formalisation de l’économie et l’inclusion financière en constituent les garants de long terme.

Pour maintenir cette trajectoire, le défi sera de poursuivre la modernisation, tout en renforçant la confiance entre administration et contribuables. Car plus qu’une performance conjoncturelle, cette hausse traduit une mutation progressive du modèle fiscal marocain, vers plus d’efficacité, d’équité… et de durabilité.

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