Désenclaver pour mieux croître : Le Maroc mise sur ses régions intérieures

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Pour impulser une véritable dynamique de croissance à l’échelle nationale, le Maroc ne peut plus compter uniquement sur ses pôles traditionnels de développement que sont les grandes villes du littoral — Casablanca, Rabat, Tanger.

Si ces métropoles concentrent encore l’essentiel de la richesse, de l’activité industrielle et de l’investissement, l’avenir économique du pays se joue désormais ailleurs : dans les régions de l’intérieur, longtemps reléguées au second plan, mais riches en potentiel humain, foncier et entrepreneurial.

D’une prise de conscience ancienne à une stratégie dotée de moyens

Les gisements de croissance que représentent ces territoires ont été identifiés depuis longtemps. Cependant, en l’absence de moyens financiers suffisants, d’instruments institutionnels efficaces et d’un cadre réglementaire propice, il n’a pas été possible d’y ancrer durablement les populations actives, ni de catalyser les compétences locales.

Aujourd’hui, la dynamique est enclenchée. Une stratégie volontariste est déployée à travers l’action renforcée des Centres Régionaux d’Investissement (CRI), appuyée par l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) et de nouveaux schémas d’aménagement. L’objectif : corriger le déséquilibre historique entre littoral et intérieur, et faire émerger une croissance plus inclusive et polycentrique.

Les CRIs : des leviers territoriaux pour réorienter l’investissement

Institués en 2002 puis réformés en profondeur en 2024, les 16 CRI sont devenus des acteurs clés de la régionalisation économique. Leur mission va bien au-delà de la simplification administrative : ils interviennent dans la gestion de projets, la résolution de litiges, le suivi des investissements et la promotion des territoires.
Leurs résultats témoignent d’un impact concret : le CRI de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, par exemple, a validé plus de 1 000 projets entre 2020 et 2023, pour plus de 5 400 emplois créés, avec des délais de traitement réduits à moins de huit jours.

Réduire les fractures : infrastructures, numérique, énergie

Le fossé infrastructurel reste considérable entre les métropoles côtières et les villes de l’intérieur. Le Maroc affiche un déficit d’investissement estimé à 37 milliards USD dans les infrastructures de base hors littoral.

Face à cela, des projets d’envergure voient le jour : réhabilitation d’axes autoroutiers, création de zones industrielles, structuration logistique et déploiement du haut débit. Ce rattrapage est porté par des partenariats public-privé, sous l’impulsion des CRI et des collectivités territoriales, afin de rendre ces territoires accessibles et attractifs.
Développement humain : ancrer le social dans l’économie

La montée en puissance des territoires ne peut être pensée sans inclusion sociale. L’INDH, active depuis 2005, agit comme un complément stratégique des CRIs. Elle cible l’accès aux services de base, l’insertion professionnelle des jeunes, et la promotion de l’entrepreneuriat local.

Cette articulation entre leviers économiques et leviers sociaux permet d’inscrire l’investissement dans une logique durable et équitable.

Vers un développement polycentrique et équilibré

La politique marocaine s’inscrit désormais dans une logique polycentrique, soutenue par les recommandations de l’OCDE. Il s’agit de connecter les villes secondaires aux grands pôles régionaux, d’appuyer les centres intermédiaires et de désengorger les métropoles.
À cet effet, la mise en place de zones d’activités intégrées, la modernisation de la gestion foncière, et l’amélioration de la mobilité interurbaine deviennent des priorités.

Facteurs de succès et défis à relever

La réussite de cette stratégie repose sur plusieurs piliers :
• La réforme des CRIs a permis de renforcer l’accompagnement de proximité et de fluidifier l’investissement régional.
• Les investissements ciblés dans les infrastructures rendent les villes secondaires plus compétitives.
• La synergie entre CRIs et INDH assure un couplage entre croissance économique et développement humain.
• L’approche polycentrique réduit les inégalités territoriales tout en valorisant les spécificités régionales.
Mais pour que cette dynamique soit pérenne, des défis majeurs demeurent : mobiliser des financements à la hauteur des ambitions, renforcer les compétences locales, améliorer la coordination interinstitutionnelle, et surtout, intégrer pleinement les impératifs environnementaux dans chaque projet.

Les villes de l’intérieur comme moteurs de demain

Le Maroc change de paradigme. Il ne s’agit plus d’étendre la croissance depuis les grands centres vers les périphéries, mais de faire émerger des pôles économiques endogènes, capables d’attirer, d’innover et de retenir les talents.

En misant sur la modernisation institutionnelle, la mise à niveau infrastructurelle, et un ancrage humain fort, le Royaume esquisse un modèle de développement plus juste, plus durable et mieux réparti.

Le défi est désormais d’accélérer la concrétisation sur le terrain, pour faire des villes de l’intérieur les véritables moteurs du Maroc de demain.

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