Les cultures marocaines à l’épreuve des grandes chaleurs

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L’été 2025 s’inscrit dans une série inquiétante de saisons caniculaires qui mettent à rude épreuve l’agriculture marocaine. Des vagues de chaleur de plus en plus intenses et fréquentes bousculent les équilibres du secteur, déjà fragilisé par la sécheresse et le stress hydrique. En toile de fond, une réalité implacable : le dérèglement climatique n’est plus une menace à venir, il est déjà à l’œuvre dans les champs.

Des plantes en détresse face au thermomètre

Avec des températures flirtant régulièrement avec les 46 °C, certaines cultures subissent de véritables traumatismes biologiques. Le stress thermique compromet les cycles de floraison, accélère la maturation et réduit la taille des fruits. Les pertes de rendement s’accumulent. Le blé, particulièrement vulnérable, enregistre des baisses marquées, notamment dans la région de Casablanca-Settat, où la valeur ajoutée agricole aurait chuté de 3,6 points.

Même les fruits rouges, souvent considérés plus robustes, n’ont pas résisté à la vague de chaleur. À Agadir et Taroudant, les pics avoisinant les 50 °C ont brûlé les bourgeons et détruit des plants entiers.

Une pression inédite sur les ressources en eau

La hausse des températures n’épargne pas les ressources hydriques. L’évaporation des stocks d’eau s’accélère dangereusement : jusqu’à 1,5 million de m³ s’évanouissent chaque jour, selon les chiffres de 2024. Barrages en tension, nappes phréatiques surexploitées, irrigation non-stop : l’eau devient une ressource encore plus précieuse, alourdissant la facture énergétique des exploitants agricoles.

Un modèle agricole à repenser

Avec 83 % des terres cultivées dépendantes des précipitations, le Maroc reste fortement exposé aux aléas climatiques. La sécheresse, désormais structurelle, compromet les cultures les plus sensibles comme les salades, les melons ou les pastèques. Dans la plaine de Taroudant, certaines pertes de cucurbitacées atteignent jusqu’à 40 %.

Autre signal alarmant : l’agonie progressive des oasis. Dans le sud de l’Atlas, deux tiers des palmiers ont disparu en un siècle, sous l’effet combiné de la sécheresse, de la salinisation des sols et de l’absence de replantation adéquate.

Menace sur la sécurité alimentaire

L’impact économique est tout aussi préoccupant. Le secteur agricole, qui génère 14 % du PIB et emploie près de 40 % de la population active, voit sa productivité s’effondrer sur certaines cultures, avec des chutes de rendement allant jusqu’à 70 % lors des épisodes extrêmes. Pour compenser, le Maroc recourt davantage aux importations, notamment pour le blé et l’huile d’olive, ce qui fragilise la balance commerciale et oblige parfois les autorités à limiter les exportations.

Une adaptation urgente et multisectorielle

Face à cette situation, l’heure est à l’action. Des efforts sont en cours pour développer des variétés plus résistantes à la chaleur, optimiser l’irrigation grâce au goutte-à-goutte, ou encore renforcer la gouvernance de l’eau pour limiter les prélèvements illégaux. Le développement d’infrastructures de stockage post-récolte est également essentiel pour limiter les pertes dues à la chaleur au moment de la cueillette ou du transport.

Karim Chemaou, directeur de la société Saladeo à Kénitra, résume : « Une seule journée de canicule peut anéantir une récolte entière ». Le constat est partagé par de nombreux acteurs du secteur : le changement climatique est désormais un facteur structurant de l’économie agricole.

La résilience devient une priorité nationale. Dans cette lutte, chaque degré supplémentaire compte. Car derrière les chiffres, c’est l’équilibre de la souveraineté alimentaire du pays qui se joue, jour après jour, au cœur des terres agricoles.

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